le gaz de couche : histoire de cotation en bourse

13/06/2016 20:53

Comment un projet financier s’est substitué à un projet industriel

 

Depuis 1992, l’entreprise Gazonor exploite le gaz de mine, dans le bassin minier du Nord / Pas de Calais. Ce gaz provient du charbon encore en place dans les 100 000 kms de galeries creusées durant les 250 années d’exploitation du charbon. Ce méthane est extrait par simple captage et cette exploitation met en sécurité le bassin minier. Dès 2008 Gazonor demande deux permis de recherche (PERH) pour explorer les ressources « gaz de couche ». Pour extraire ce gaz, il faut faire des forages avec des drains horizontaux, voire fracturer la roche comme le confirmait l’IFP-EN dans un document édité en 2011. L’entreprise EGL, d’origine australienne rachète alors Gazonor, intéressée par les deux PERH du Nord. Installée en Lorraine, l’entreprise y avait déjà foré un puits et avait d’autres forages en projet. L’année suivante, en difficulté financière, elle cède Gazonor à un groupe financier belge.

 

Après 2011, EGL réalise trois forages en Lorraine qui sont des fiascos et s’enfonce alors dans une situation financière catastrophique : en 2015, les dettes de l’entreprise excèdent la moitié de son capital. EGL change de nom pour devenir « la Française de l’Energie (FDE) » et dépose en Mars dernier une demande d’introduction en bourse. Mais derrière l’objectif officiel qui est de valoriser le gaz de houille se cache une opération purement spéculative.

 

En effet, dans le document de base enregistré le 14 mars dernier par l’autorité des marchés financiers, plusieurs points ont de quoi nous interroger :

·        J.Moulin, président de FDE, indique dans une récente conférence de presse que le démarrage de la première plateforme est prévu en juin 2017, en Lorraine. Or pour l’instant FDE ne dispose que de deux permis de recherche et d’aucune concession, mais pour exploiter du gaz en France, il faut être détenteur d’une concession. Les délais d’instruction des dossiers miniers étant de deux ans minimum, comment Mr Moulin peut-il affirmer qu’il exploitera du gaz en 2017 ?

 

·        FDE affirme : « le Groupe a constitué le deuxième plus grand portefeuille de permis de recherche et de production de gaz en France couvrant une superficie totale de 10642 km² ». Or, pour l’instant FDE dispose de DEUX permis de recherche, pour une surface totale de 432 km² au nom d’EGL, pour le reste il s’agit soit de permis et/ou de concession détenus par Gazonor dont l’achat n’est pas encore finalisé (Il y a d’ailleurs un contentieux juridique qui suspend toute décision) ou de demandes de permis instruits à la demande de Concorde Energie, dont l’achat n’est pas finalisé (et dont par ailleurs, la validité en tant qu’entreprise est contesté au T.A. par les Amis de la Terre).

Tous les permis revendiqués par FDE ne sont que des dossiers en cours d’instruction, non accordés pour l’instant, soumis à concurrence. Ce qui signifie que d’autres entreprises bien plus crédibles sont sur les rangs pour l’acquisition de droits miniers sur les mêmes territoires. 

 

·        D’un point de vue des risques potentiels pour l’environnement :

Pour l’instant, seul le forage de Folschvillers a permis la certification de ressources.

Madame Virginie Poirier, géologue EGL (ex FDE) expliquait la manière de procéder de la société pour le forage de Folschviller en ces termes : « nous utilisons des techniques de forage horizontales et de fracturation […] Celles-ci consistent à faire craquer la couche de charbon pour libérer le gaz et permettre la migration du méthane vers la surface », la Semaine Numérique, 1er août 2008, sous titre « Un derrick à Folschviller ».

C’était avant la loi de Juillet 2011 et la fracturation, si elle a vraiment eu lieu, n’était pas interdite.

Le puit de Tritteling, plus récent, n’a pas permis la certification de nouvelles réserves, malgré ses quatre drains multilatéraux (255 m3 de gaz !).

Est-ce à dire que la technique d’exploration mise au point par le groupe n’est pas opérationnelle ?

Est-ce à dire que sans fracturation de la roche, pas de débit de gaz de couche exploitable 

Notons que plusieurs candidats à la présidentielle se sont d’ores et déjà prononcé pour l’abrogation de la loi de Juillet 2011 et que si les accords transatlantiques étaient signés…

Malgré toutes les incohérences du dossier, Mr Macron a affirmé dans la presse qu’il soutenait ce projet « gaz de houille en Lorraine et les conseils régionaux se révèlent être des soutiens pour FDE.

 

Enfin, on est en droit de se poser une question plus générale, plus stratégique.

On sait qu’il est absolument impératif de laisser 80% des énergies fossiles dans le sous-sol si on veut avoir une chance de limiter le réchauffement climatique à 2°C. On devrait donc s’interdire d’aller extraire ces énergies extrêmes !

 

Le crédit mutuel s’est engagé à mettre des fonds dans ce projet, un fond d’investissement spécialisé dans les énergies renouvelables (RGreen) a signé un accord avec FDE (qui a pour objectif unique de produire des hydrocarbures fossiles !) et l’introduction en bourse de FDE a débuté le 24 Mai dernier.

 

Est-il raisonnable de lever 60 millions d’euros pour produire 5% de la consommation française de gaz durant une vingtaine d’années ? 

Cette même somme ne pourrait-elle pas être utilisée pour produire des énergies renouvelables ou bien encore pour réduire la consommation d’énergie (isolation, construction passive, développement de transports en commun, etc…). 

 

 

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